Des différences marquées entre l'Est et l'Ouest

L'étude a analysé les données de 5 982 participants âgés de 18 à 31 ans, issus de l'enquête nationale allemande KiGGS menée entre 2014 et 2017. Les résultats montrent que 18,6 % des participants ont déclaré avoir subi au moins une forme de maltraitance durant leur enfance. Cependant, cette prévalence varie selon la région : 15,8 % pour les individus de l'Est contre 19,0 % pour ceux de l'Ouest. Les formes spécifiques de maltraitance, telles que les abus physiques (2,4 % à l'Est contre 3,9 % à l'Ouest) et sexuels (1,9 % à l'Est contre 3,6 % à l'Ouest), suivent cette tendance.


L'influence des contextes sociopolitiques

Les auteurs attribuent ces différences aux politiques éducatives distinctes des deux anciennes républiques. La RDA avait interdit les châtiments corporels dès 1949 et promouvait une garde d'enfants collective, allégeant la pression sur les familles et favorisant l'égalité des sexes. En revanche, en RFA, les châtiments corporels ont été interdits plus tardivement, en 1973, et certaines pratiques éducatives autoritaires y ont perduré plus longtemps.


Une transmission transgénérationnelle des pratiques éducatives

Bien que les participants de l'étude soient nés après la réunification, les chercheurs suggèrent que les pratiques éducatives et les normes sociales des parents, influencées par leur propre socialisation dans l'un des deux systèmes, ont été transmises aux générations suivantes. Ainsi, les enfants élevés dans les anciens Länder de l'Est bénéficieraient encore des approches éducatives plus bienveillantes instaurées en RDA .

 
Implications pour les politiques de protection de l'enfance
 
Cette étude souligne l'importance de considérer les contextes historiques et sociopolitiques dans l'élaboration des politiques de protection de l'enfance. Les résultats suggèrent que des politiques favorisant l'égalité des sexes, l'accès à des services de garde d'enfants de qualité et l'interdiction des châtiments corporels peuvent avoir des effets bénéfiques durables sur plusieurs générations. Il est essentiel de poursuivre la recherche sur les mécanismes de transmission transgénérationnelle pour mieux comprendre et prévenir la maltraitance infantile.

 

Un parallèle éclairant avec la psychogénéalogie
 
La psychogénéalogie propose justement de lire ces transmissions transgénérationnelles comme autant de loyautés familiales, schémas répétitifs ou traumas hérités. Elle montre que ce que l’on n’exprime pas s’inscrit parfois dans les corps, les attitudes ou les croyances des descendants. Le cas des anciens citoyens de la RDA, transmettant malgré eux une culture éducative à leurs enfants, illustre comment un événement historique (comme un système politique) peut devenir un maillon actif dans l’histoire familiale transgénérationnelle.