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La Psychogénéalogie
Véronique Cézard
Résumé : La psychogénéalogie, développée par Anne Ancelin Schützenberger dans les années 1970, explore comment les événements, traumatismes, secrets et conflits vécus par les ancêtres influencent la santé mentale et les comportements des générations suivantes. Des recherches et observations ont montré que ces expériences peuvent laisser des empreintes émotionnelles et comportementales se manifestant par des peurs, colères ou tristesses récurrentes dans la descendance.
Psychogénéalogie : la famille, les traumatismes, les mémoires et leurs répercussions sur la descendance.
Psycho : Préfixe désignant tout ce qui a trait à la pensée, au psychisme, à l'esprit, à l'âme.
Généalogie : Dénombrement, liste des membres d'une famille établissant une filiation.
Si le lien entre les membres d’une même famille et le psychisme de celle-ci ont été établis, c’est que des constats ont été effectués, et ceci depuis de nombreuses années.
La psychogénéalogie est une pratique clinique créée et développée dans les années 1970 par Anne Ancelin Schützenberger, psychologue et psychothérapeute, selon laquelle les événements, les traumatismes, les secrets et les conflits vécus par les ascendants d'un individu conditionnent ses faiblesses constitutionnelles, ses troubles psychologiques, ses maladies…
De nombreuses personnes ont travaillé sur l’hypothèse d’une transmission invisible de génération en génération et les expériences vécues par la pratique de la psychogénéalogie et l’analyse de l’histoire des personnes ont toujours montré qu’il y avait des traumatismes vécus par des ascendants qui se répercutaient de différentes façons sur la descendance : répétitions, peurs, colères, tristesse, injustices…
Nous portons des valises qui ne nous appartiennent pas
Chez de nombreuses personnes, le clan familial représente le groupe auquel il faut adhérer sous peine d’être exclu. Si dans cette famille on ne reconnaît que des métiers intellectuels, je peux craindre de faire un métier manuel. Vont-ils me juger, continuer à m’accepter, me mettre de côté ?
Si dans ce clan, les valeurs et les croyances sont très ancrées, je peux m’empêcher de suivre ma voie si elle ne correspond pas à la volonté familiale.
Imaginons que je ne sois pas en harmonie dans mon couple et que je pense à divorcer. Si dans ma famille, on ne divorce pas ! Je peux m’empêcher de le faire et rester, comme tous les autres membres, toute ma vie enfermé dans un couple qui ne me convient pas.
Avons-nous le choix ?
Oui et non…C’est notre changement de regard sur nous et sur notre famille qui peut faire évoluer notre vie.
Si je reste en fidélité, en loyauté aux injonctions familiales, je peux répéter des fonctionnements négatifs pour moi sans chercher à les remettre en question : c’est comme ça !
Si le fonctionnement familial ne me convient pas et que j’ai le courage de m’y opposer, consciemment ou pas, je peux réparer en mettant en place le fonctionnement inverse mais souvent à l’extrême.
Exemple : je n’ai pas reçu d’amour et d’affection de la part de mes parents, du coup, j’ai tendance à étouffer mes enfants d’amour et d’affection.
Le travail en psychogénéalogie permet de réaliser que chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a, que l’histoire appartient de façon personnelle à chaque personne et que j’ai le droit de créer ma propre vie comme je l’entend sans pour cela abandonner ma famille. Du coup, je ne lutte plus contre UN système, je construis MON système de façon équilibrée.
C’est le début de la libération. On appelle cela l’individualité.
En parallèle, depuis le milieu du 19e siècle, on a demandé à la biologie d’expliquer la transmission d’une génération à l’autre des traits de caractères et des pathologies mentales.
L’épigénétique nait. C’est une branche de la biochimie du développement qui s’est fondée sur un constat paradoxal : chacune de nos cellules est spécialisée dans une fonction précise, mais renferme dans son noyau, sous la forme de deux molécules d’ADN, l’ensemble de notre patrimoine génétique.
Une explication des neurosciences
Nous sommes tous tributaires d’un organe essentiel à notre vie, le cerveau. C’est dans celui-ci que sont inscrits et naissent des chemins neuronaux. Nos pensées, nos actions, notre histoire créent des connexions neuronales qui suivent des sillons neuronaux en reliant les différentes zones du cerveau concernées. Plus nous pensons la même chose et effectuons les mêmes gestes, plus ces connexions se font aisément et ces chemins neuronaux deviennent faciles à emprunter, jusqu’à être intégrés en « mode automatique » dans notre cerveau.
Les neurosciences ont montré de quelle façon nous recréons nos souvenirs à chaque fois que nous nous les rappelons. Donc, plus nous nous rappelons une information, plus nous activons ce même chemin, et plus ce chemin deviendra un boulevard puis une autoroute qu’il sera aisé et rapide d’emprunter.
Que ces chemins neuronaux soient construits en partie par une transmission génétique ou bien dès notre naissance, ils déterminent notre fonctionnement.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Que le cerveau ne fait pas de différence entre le négatif et le positif et qu’il associe le chemin neuronal existant à la situation que vous êtes en train de vivre.
Exemple : un petit enfant va au parc avec sa mère. Il s’amuse avec ses jouets dans le bac à sable. Un autre enfant arrive, lui prend un jouet et lui donne un coup qui lui fait très mal. Il crée le chemin neuronal suivant : maman m’emmène au parc (positif), j’ai des jouets (positif), je joue dans le sable (positif), un enfant arrive (positif), il me prend un jouet (négatif), il m’agresse et me fait mal (négatif).
Sa mère veut de nouveau l’emmener au parc, soit l’enfant va refuser car le chemin émotionnel fort est créé : cette expérience commence bien mais finit très mal et j’ai été choqué. Le parc sera toujours considéré comme un endroit négatif. Soit il y retourne forcé par sa mère et il peut vivre une expérience négative avec le même enfant ou un autre, pas forcément agressif, mais ce sera lui qui, redoutant l’attaque, se mettra en défense et deviendra agressif, conditionnant le parc comme un endroit négatif.
Si tout se passe bien dans le parc, il faudra qu’il y retourne plusieurs fois pour changer de fonctionnement et voir à nouveau cette sortie comme positive.
Quel lien avec la psychogénéalogie ?
Cet outil travaille sur les conditionnements émotionnels qui circulent de génération en génération et sur les fonctionnements qui en découlent dès la naissance.
Si un événement a créé un chemin neuronal qui est devenu une autoroute chez un ascendant qui a vécu un traumatisme ayant généré une émotion négative non dépassée, on peut le retrouver chez certains ascendants comme une normalité.
Exemple : la science a prouvé que des descendants de personnes qui ont vécu l’holocauste et qui eux-mêmes n’avaient vécu ni guerre, ni famine, portaient des peurs démesurées. La crainte du manque de nourriture, les bruits forts, l’enfermement, les douches…pouvaient provoquer des réactions émotionnelles intenses non fondées et souvent incomprises. Mais le cerveau avait enregistré et transmis l’information et faisait les liens.
Exemple : ma grand-mère n’a pas pu compter sur son mari qui est parti à la guerre, n’est jamais revenu et l’a laissé seule avec ses enfants. Ma mère n’a pas pu compter sur son mari qui était fainéant, n’avait pas de travail et vivait à ses crochets. Le chemin créé est : on ne peut pas compter sur l’homme qui abandonne et ne sécurise pas. Eh bien, je peux, en étant la fille avoir la pensée constante qu’on ne peut pas compter sur l’homme et qu’il peut nous abandonner et que forcément lorsqu’on rencontre un homme, ça se finit mal…et c’est ce qui m’arrive !
Je suis dans un schéma de répétition et de loyauté au fonctionnement familial qui est ancré comme une normalité et que je ne remets pas en cause car je ne sais pas que tout vient de là. Non, pour moi, tous les hommes sont ainsi !
Le rôle de la psychogénéalogie
Grace aux questions ciblées sur le fonctionnement de la personne qui vient nous voir, la psychogénéalogie permet de mettre en lumière les schémas familiaux négatifs installés et ancrés dans notre cerveau comme des normalités, de déprogrammer ces chemins neuronaux toxiques et de reprogrammer d’autres chemins positifs.
On sait aujourd’hui qu’il faut au cerveau de la répétition et de l’émotion pour qu’il évolue dans un sens comme dans l’autre. Nous utiliserons donc des actes symboliques forts et répétés pour enregistrer de nouvelles données.
Tout comme un disque dur d’ordinateur, notre cerveau peut être programmé, déprogrammé, reprogrammé…profitons-en pour décider ce que nous voulons faire de notre vie.
La psychogénéalogie est plus qu’un outil thérapeutique, c’est un art de vivre.