Interview
Rencontre avec Noëlle Lamy :Transmettre et libérer son héritage familial
De la kinésithérapie à la psychogénéalogie, un parcours du corps à l’âme
Noëlle Lamy a toujours perçu le corps comme un langage. Formée à la kinésithérapie, à l’ostéopathie, puis à l’énergétique issue de la médecine traditionnelle chinoise, elle n’a jamais considéré son approche comme uniquement mécanique. « Le corps est un langage. Une douleur ou une maladie raconte souvent une histoire qui dépasse l’individu, un héritage familial non digéré » explique-t-elle.
Cette vision l’a progressivement menée vers la psychogénéalogie et la psychanalyse transgénérationnelle, afin d'explorer les liens invisibles entre nos histoires familiales et nos blessures personnelles. Aujourd’hui psychanalyste, formatrice, auteure et conférencière, Noëlle Lamy accompagne ceux qui cherchent à comprendre et à transformer leur héritage transgénérationnel.
Alors qu’elle prépare activement la troisième édition du Symposium International de Psychogénéalogie, qui se tiendra en mars prochain à Florianópolis, au Brésil, elle nous partage sa vision de la discipline et ses conseils pour mieux comprendre l’impact des transmissions familiales.
Transmettre sans alourdir : comment parler de psychogénéalogie aux plus jeunes ?
Si les adultes découvrent parfois avec stupéfaction l’empreinte de leur héritage familial dans leur propre parcours, qu’en est-il des plus jeunes ? Comment leur transmettre cette conscience sans les enfermer dans un poids trop lourd à porter ?
Noëlle Lamy privilégie une approche simple et accessible. « Je leur dis que mon travail, c’est d’écouter les histoires des familles. Ils savent très bien ce qu’est une généalogie : papa, maman, grand-père, grand-mère… Les enfants comprennent vite que parfois, les histoires de famille sont compliquées, et que je suis là pour aider leurs parents à les comprendre. »
Cette transmission, loin d’être une fatalité, doit être une ressource : comprendre d’où l’on vient permet d’être plus libre de choisir où l’on va.
Lever les tabous sans culpabiliser
Toute exploration familiale soulève inévitablement des résistances. Mettre en lumière des non-dits, des blessures transgénérationnelles ou des secrets de famille peut provoquer des craintes : celle de trahir, de raviver des douleurs enfouies, ou de briser un équilibre familial fragile.
Noëlle Lamy rassure : cette culpabilité est naturelle. Elle témoigne de l’amour et de la loyauté que l’on ressent envers ses proches. Mais elle rappelle que le but n’est pas de blâmer ni de condamner, mais bien d’apporter de la clarté et de la libération.
« C’est un acte d’amour envers soi-même et envers les générations passées et futures. Plus vous explorerez votre histoire, moins vous risquez de répéter des schémas difficiles. Les secrets familiaux, les non-dits, créent des tensions. Les enfants ressentent tout et, souvent, imaginent le pire. Mais en mettant les choses en lumière, on libère tout le monde, y compris nos parents. »
Face aux critiques ou à l’incompréhension de certains proches, elle conseille de rester centré sur sa propre démarche : « Travaillez pour ceux qui veulent avancer. Les autres trouveront leur chemin en temps voulu. La qualité de votre travail est votre meilleure alliée. »
La dimension sacrée de la psychogénéalogie
Pour Noëlle Lamy, explorer son héritage familial ne relève pas seulement d’une approche psychologique ou scientifique. C’est aussi une démarche profondément spirituelle.
« Quand on travaille sur les liens familiaux, on touche au sacré. Nous portons en nous des générations d’hommes et de femmes. Comprendre cela apporte une immense paix. Nous ne sommes qu’un maillon dans une chaîne infinie. »
Cette vision invite à une posture d’humilité et de respect face aux mémoires familiales. Chaque révélation, chaque secret mis au jour, chaque symbole découvert doit être manipulé avec soin, comme une pièce précieuse du puzzle de notre histoire.
Le corps lui-même, insiste-t-elle, participe à cette transmission et à cette libération. « Notre corps utilise la maladie comme un signal, une invitation à retrouver un équilibre. C’est un dialogue entre soi et soi. »