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Étude
Transgenerational Epigenetics of Traumatic Stress
Source : Jawaid A, Roszkowski M, Mansuy IM. Transgenerational Epigenetics of Traumatic Stress. Prog Mol Biol Transl Sci. 2018;158:273-298. doi: 10.1016/bs.pmbts.2018.03.003. Epub 2018 Jun 11. PMID: 30072057.
Résumé : Les expériences traumatiques peuvent laisser des traces durables sur le comportement, les fonctions cérébrales et même le métabolisme d’un individu. Plus surprenant encore, ces effets peuvent être transmis aux générations suivantes, même si ces dernières n’ont jamais vécu de traumatisme elles-mêmes. Ce phénomène, connu sous le nom d’héritage épigénétique, repose sur des mécanismes biologiques qui n’affectent pas directement l’ADN mais modifient la façon dont il s’exprime.
Comprendre la transmission inter- et transgénérationnelle
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Transmission intergénérationnelle : Les effets du stress sont transmis directement des parents à leurs enfants.
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Transmission transgénérationnelle : Les impacts persistent sur au moins deux générations sans exposition supplémentaire au stress initial.
Les recherches montrent que des traumatismes, qu’ils soient vécus pendant l’enfance ou à l’âge adulte, augmentent le risque de troubles comportementaux et psychiatriques chez les descendants. Par exemple, des souris ayant subi un stress précoce montrent des comportements dépressifs transmis à plusieurs générations. Cependant, des comportements adaptatifs, tels qu’une meilleure flexibilité comportementale, ont également été observés, suggérant un équilibre entre risques et avantages évolutifs.
Les mécanismes épigénétiques en jeu
Les mécanismes épigénétiques sont des processus biologiques complexes qui influencent l'expression des gènes. Voici les principaux mécanismes identifiés dans la transmission des effets du stress traumatique :
1. Méthylation de l’ADN
La méthylation de l’ADN, qui consiste à ajouter un groupe chimique (méthyle) à certaines parties de l’ADN, est souvent associée à la régulation des gènes. Les traumatismes peuvent induire des changements spécifiques dans ces marques, affectant durablement l’expression des gènes :
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Chez les souris, le stress aigu altère la méthylation de gènes liés à la réponse au stress dans l’hippocampe, une région du cerveau essentielle pour la mémoire.
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Ces changements ne sont pas fixes : la méthylation peut être dynamique, notamment dans les neurones adultes, soulignant le potentiel de réversibilité des impacts traumatiques.
2. Modifications des histones
Les histones, qui structurent l’ADN dans les cellules, subissent des modifications post-traductionnelles (acétylation, méthylation, etc.) qui contrôlent l’accès à l’ADN et, donc, l’activation des gènes :
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L’acétylation des histones facilite généralement l’expression des gènes, tandis que certaines formes de méthylation peuvent réprimer ou activer des gènes selon leur localisation.
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Des études ont montré que le stress chronique modifie ces marques, influençant les circuits neuronaux impliqués dans les réponses au stress.
3. ARN non codants
Les ARN non codants, comme les microARN (miARN), jouent un rôle central dans la régulation génétique sans produire de protéines :
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Les miARN dégradent l’ARN messager ou empêchent sa traduction, modulant ainsi l’activité des gènes.
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Chez les individus exposés à un traumatisme, certains miARN sont liés à une plus grande sensibilité au stress ou au développement du trouble de stress post-traumatique (PTSD).
Effets sur le cerveau et le corps
Le stress traumatique perturbe de nombreux systèmes biologiques, notamment :
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L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), qui régule le stress via la production de cortisol. Chez les personnes atteintes de PTSD, cet axe présente souvent des dysfonctionnements, comme une production excessive ou insuffisante de cortisol.
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Le cerveau, où des régions clés comme l’hippocampe (mémoire) et l’amygdale (émotions) sont particulièrement affectées. Ces altérations entraînent des troubles de l’humeur, des problèmes de mémoire et une sensibilité accrue au stress.
Le stress traumatique a également des effets à long terme sur la santé physique, augmentant le risque de maladies cardiovasculaires, d’arthrite, et même de certains cancers.
Transmission à des périodes critiques de la vie
Certaines périodes de la vie, comme la phase prénatale, l’enfance ou l’adolescence, sont particulièrement sensibles aux effets du stress. Pendant ces périodes :
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Le cerveau est plus plastique, ce qui le rend plus vulnérable aux altérations épigénétiques.
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Les traumatismes vécus peuvent entraîner des changements qui se transmettent à plusieurs générations, affectant durablement les fonctions cérébrales et comportementales.
Une perspective évolutive
Bien que les effets transgénérationnels du stress soient souvent négatifs, ils peuvent aussi offrir des avantages adaptatifs :
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Dans des environnements hostiles, ces adaptations permettent aux descendants de mieux réagir aux menaces.
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Par exemple, des souris issues de parents ayant vécu des traumatismes montrent une meilleure capacité à atteindre des objectifs et à s’adapter à des situations complexes.
Implications cliniques et perspectives
Les recherches sur l’héritage épigénétique du stress ouvrent des pistes pour prévenir ou atténuer ses effets :
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Interventions médicales : Des molécules ciblant les marques épigénétiques, comme les inhibiteurs de déacétylase des histones, pourraient inverser les modifications liées au stress.
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Thérapies psychologiques : En comprenant mieux les mécanismes de transmission, il serait possible de reprogrammer les réponses émotionnelles et comportementales au stress.
Conclusion
L’héritage transgénérationnel des traumatismes met en lumière la complexité des interactions entre environnement et biologie. Si cette transmission pose des défis cliniques et éthiques, elle offre aussi des opportunités uniques pour comprendre et traiter les impacts des traumatismes sur les individus et leurs descendants. En combinant recherches biologiques, interventions médicales et approches psychologiques, il est possible de mieux gérer les conséquences de ce phénomène fascinant et encore largement inexploité.
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